Reprise de la vie en France

Publié par David, le 5 Décembre 2013

Je livre ici mes impressions, en vrac comme elles me sont apparues.

Pour résumer :

  • un individualisme triste (envie, égoïsme prennent le pas sur partage et respect)
  • des procédures rigides (le nouvel esclavagisme pernicieux)
  • l’importance du paraître (les gens jouent un rôle)
  • un avenir sombre qui contamine les esprits (les choses empirent)

Le train-train

Nous voilà de retour en France, dans un univers où les gens semblent plus ou moins conditionnés. Le retour, et la peur de reprendre cette vie standardisée et minutée, qui ne laisse guère le temps de la réflexion ni de la contemplation, qui écourte les échanges et les cantonne souvent dans des banalités. Alors que la diversité et le partage sont source d’une richesse infinie. Il suffit d’avoir le temps de regarder autour de soi, la beauté est partout. Qu’est-ce qui marque dans une vie ? La première fois où j’ai parlé à mon I-phone 5 où la première fois où j’ai parlé avec une Himba ? Regarder un chimpanzé dans les yeux ou fixer l’écran de mon nouvel ultra-portable ? Il faut arrêter de vivre à 100 à l’heure. En fait, dans notre monde, ce n’est plus qu’on n’a plus la liberté de penser, c’est qu’on n’a plus le temps, ou plutôt la flemme ! Au bout d'un moment, je pense même qu'on en a peur : il n'y a qu'à voir le nombre de personnes qui ne supportent pas d'être seules 10min, et sortent leur smartphone pour se rassurer. Comptez combien de passants se baladent avec un téléphone à l'oreille. On nous noie sous des flots d’informations inutiles, on nous bourre le crâne en permanence par tous les moyens de communications, on nous créée des faux besoins, on travaille même pour ça, et il faut encore que ça aille plus vite. Ce système ne fonctionne que parce qu'on y participe tous, activement ou passivement. Parfois, je me demande si on ne fait pas travailler les gens pour les occuper ? Pas tous, certes, mais une partie : ça permet à la fois de les empêcher de réfléchir tranquillement à tout ça, et aussi de générer les nouveaux produits inutiles mais présentés comme indispensables. A part quelques professions vitales (médecine, agriculture et élevage, énergie, etc.), tout le reste n’est peut-être que subterfuge au nom du progrès. Mais pour quoi est-on si pressé ? Dans quel but ? Les gens paraissent-ils plus heureux d'année en année ?

Une pensée d'une voyageuse extraite de son blog, qui m'a frappé par sa justesse :

« Nous sommes incapables de vivre sans ressembler à l'autre, nous détruisons notre planète, nous massacrons les animaux, nous tuons, violons notre prochain dès que de nos plombs saute, nous nous plaignons constamment de tout et de rien. J'arrête là, la liste noire est trop longue et le comble, il paraît que nous évoluons, reste à savoir vers quoi ? »

Différences culturelles ressenties entre Afrique australe - Europe

La recherche du contact

En Afrique australe, les gens sont globalement bien plus abordables qu'en France, plus sociables, plus solidaires : le partage a un sens ici, alors qu'il semble délégué à l’État en France. On a peut-être trop déresponsabilisé les gens chez nous. Il y a là-bas une volonté et un plaisir d'être ensemble qui se perd ici, surtout en ville. En France, on a peur de se dévoiler, de prendre le risque d'aider quelqu'un, c'est un peu chacun son problème, et "Venez pas m'emmerder, de quoi je me mêle". Les gens sont relativement renfermés sur eux-mêmes ou sur leur "réseau". Comme je le dis d'ailleurs "En France, ça sent le renfermé, mais c'est ps le fromage" :-). En Afrique, les gens sont bien plus solidaires, moins prises de tête, aiment les interactions, recherchent vraiment le contact, peut-être parce que dans les pays où la vie est plus difficile, où parfois la survie dépend de l'autre, une sorte de cohésion se créée naturellement. Cela peut paraître paradoxal dans un pays dit "social" comme le nôtre, mais c'est bien ce qui ressort de l'ensemble de nos voyages : aux USA, en Afrique, où la politique sociale reste marginale, les gens sont plus solidaires, recherchent davantage le contact, que dans des pays Européens, et à l'extrême, comme la Chine, où les gens vivent à côté sans vraiment se voir. Ça fait réfléchir.

Relations Noirs / Blancs

En revanche, les relations entre les Blancs et les Noirs restent complexes, ambigües et pas très saines dans les pays comme l'Afrique du Sud, la Namibie, le Sud du Mozambique. Ailleurs, elle nous a semblé décomplexée. La politique de l'apartheid a été horrible, perverse et choquante, notamment quand on réalise ses impacts sur la vie quotidienne. Mais que dire de la politique allemande en Namibie : en un laps de temps assez court, les allemands ont en effet exterminé largement les peuples locaux qui les gênaient, éliminant par exemple jusqu'à 75% des Herero. Il est aussi intéressant de noter qu'en fait, à la base l'apartheid n'a pas été mis en place pour des raisons idéologiques racistes, mais principalement par peur du soulèvement urbain d'une population noire exploitée et en large supériorité numérique par rapport à la population blanche. C'était la réponse des Sud-Africains à une cohabitation délicate où les Blancs voulaient à tout prix continuer à garder le pouvoir et leurs privilèges. Là où les nazis exterminaient par idéologie, les Sud-africains marginalisaient, le destin d'une personne devenant intimement lié à sa couleur de peau.

La nonchalance

Autre remarque, même si on s'aventure en terrain glissant : au Mozambique, à l'instar de Madagascar, d'ailleurs juste en face, les gens donnent un peu l'impression de se regarder survivre, c'est du moins ce qu'on peut ressentir en tant qu'occidental. Les ressources - même si elles ne sont pas minières comme dans les pays à l'ouest - ne manquent pas, le potentiel touristique est là, énorme. En revanche, il semble manquer un certain esprit d'entreprise, d'initiative ou encore d'anticipation. Ici, on répète cent fois, mille fois, un geste, plutôt que de réfléchir à une solution efficace et surtout, durable. On ne sent pas une volonté de se projeter dans l'avenir. On prend les choses comme elles viennent, sans attente particulière, sans chercher à les contrôler, à tout contrôler. C'est peut-être cela qui nous perd, nous les occidentaux, tout en nous faisant croire que ça nous fait avancer : le soi-disant "progrès" ; mais c'est finalement droit dans le mur qu'on fonce, et tête baissée en plus. On devient fous, mais des fous dangereux. Attention, comprenons nous bien : je parle là d'une manière d'aborder les évènements de la vie, une espèce de nonchalance érigée en mode de vie, qui s'oppose vivement avec l'aspect frénétique et standardisé de notre vie d'occidental stressé. Quelques exemples croustillants, source d'incompréhension, et parfois même, la fatigue aidant, de petites contrariétés : le mini-van perd tous les jours 1h à attacher les bagages des gens n’importe comment ? Pourtant, personne ne songe à installer des galeries ou autre système d’accroche. Il tourne pendant parfois plus de 2h la nuit à la recherche d'éventuels clients, consommant ainsi beaucoup de carburant ? Les arrêts de bus ou autre points de regroupement, non, connait pas ... Passer tous les jours dans des zones de routes défoncées qui défoncent aussi leur véhicule ? Tant pis, tant que ça tient, ça va, quand ça cassera, je verrai. Étanchéifier un bateau ? Pourquoi, il y a toujours un mec pour écoper :-) ! Laisser passer un gars en voiture ou camion pour libérer la route ? Non, plutôt crever, et m'avancer pour bien bloquer pendant 1h les deux côtés, tellement bien que personne ne peut plus ni avancer ni reculer. Cette facette de la conduite est d'ailleurs commune avec les chinois ..

Un monde de fou, un monde de procédures et de normes

Le choc du retour, c’est aussi l’omnipotence des procédures en France, et leur poids écrasant dans la vie de tous les jours. Si un jour on quitte la France, ce sera pour ça. Appliquées strictement sans la moindre possibilité légale laissée à l’opérateur de les contourner, on est souvent amené à des situations complètement absurdes, improductives, qui désespère à la fois l’opérateur (impuissant mais qui se rend parfaitement compte de la situation), et le client. Tout le monde a un jour essayé de résoudre des problèmes simples liés à une commande d'un produit, le raccordement au gaz, à l'électricité, à internet, des colis, etc. Combien d'heures y avez-vous passé ? Il n'y a pas la place pour l'imprévu ou les cas particuliers, on se retrouve dans des impasses, l'initiative est interdite et sanctionnée, l'intelligence n'est pas une qualité. Pire que l’application d’ordres parfois inadaptés venant d’un chef, maintenant, c’est l’ère de l’application des procédures, appliquées par tous et pour tout, réglant notre vie. Les procédures sont censées apporter de l’efficacité, mais ne peuvent répondre à la variété des cas auxquels sont confrontés tous les jours les gens. On veut tout traiter de la même façon, prévoir tous les cas. Trop de procédure tue l’efficacité. C’est l’opérateur à qui il faudrait laisser une marge de manœuvre, mais celle-ci se réduit de jour en jour, au travail comme à la maison.

On vit dans un monde de fou. Un monde de fou. Et quand on est dedans, qu'on vit dedans, on ne s'en rend pas forcément compte. Parfois, c'est l'éclair de lucidité, qui mène souvent à une sensation de désespoir ... Combien de fois vous a-t-on répondu « c’est la procédure, désolé », alors qu'il existait une solution efficace et toute bête à votre problème ?

L’individualisme en France

Notre sentiment est le suivant : les gens s’enferment dans leur petite vie. Même les évènements vécus ensemble ne les rapprochent pas vraiment. Au cinéma, au concert, à la télé, aux courses, ... On vit la même chose que la personne inconnue d’à côté, mais on échange rarement dessus, on ne sait pas ce qu’elle en pense, ce qu’elle ressent, et puis finalement on s’en fout. Le pire, ou peut-être est-ce mieux, je ne sais pas, c’est qu’on ne se rend pas compte de ce qu’on perd. Pourtant, il n’y rien de plus intéressant que l’échange. Cela ouvre l’esprit, balaye les préjugés, augmente nos connaissances, fait partager les émotions, nous enrichit tout simplement. Alors, pourquoi ne le fait-on pas ? La peur de s’exposer devant quelqu’un qu’on ne connaît pas ? Le sentiment que l’autre ne va rien nous apporter d’intéressant ? Une espèce d’ambiance générale qui nous fait ressentir que ça ne se fait pas ici, que l’autre va trouver bizarre qu’on l’aborde comme ça ? Toujours est-il que le contact en France reste difficile, mais il faut juste oser passer cette barrière, en fait derrière, ça se passe bien.

Il faut oser. Qu'avons nous tant à perdre ?

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